Mutazilisme

Association pour la renaissance de l'islam mutazilite (ARIM)

Joyeux Mawlid 1447

Les gens que nous aimons, nous cherchons les occasions de la fêter, et de marquer l’amour que nous leur portons. C’est vrai pour nos amours, nos parents, nos frères et sœurs, nos enfants etc. Et même la mort n’efface pas la date de naissance d’un être aimé aujourd’hui disparu. Mais alors que dire du Mawlid, littéralement la « naissance » du prophète Muhammad b. Abdallah (sawas). Ce jour est un jour particulier et marquant. En tant que ses descendants spirituels, nous, musulmans, nous nous réjouissons de marquer cet événement. 

Un homme comme les autres…

Ceci, ne nous empêche pas de souligner l’aspect problématique à vouloir faire du prophète un être à part ; hors de la condition humaine alors que le Coran s’échine à rappeler la nature profondément humaine du prophète en ses rôles d’annonceur de La bonne nouvelle, la vérité de Dieu et la voie du bonheur possible, et donneur d’alerte (« Nous ne t’avons envoyer que pour porter la bonne nouvelle et donner l’alarme » 25, 56). Et c’est en vertu de sa nature intrinsèquement humaine qu’il est pour nous un modèle possible à suivre, une source d’influence directe et parfaite. Puisque homme, il est faillible, et a commis des erreurs comme nous le rappelle, par exemple, la sourate 80 ‘L’air sévère/Abassa’: « il a pris l’air sévère et s’est détourné, sous prétexte que l’aveugle l’abordait. Comment peux-tu savoir si l’aveugle n’allait pas se purifier, ou pratiquer le Rappel, et que le Rappel lui fût profitable ? » Ce qui est remarquable, c’est que le prophète soit faillible bien qu’il soit le dernier élu de Dieu, le « sceau des prophètes » (33, 40)  et donc  l’élu (Mustafa) de Dieu, Loin de constituer un défaut, cette faillibilité, devient un atout. Car c’est elle qui lui donne à lui l’occasion de nous montrer à nous, ses disciples à travers les âges, que nous sommes perfectibles ! Son humanité nous ouvre la voie. On peut facilement s’identifier à lui. Alors qu’on aurait plus de mal à reproduire des modèles tout aussi respectables et grands, mais plus problématiques pour nous, car eux ont pu séparer des mers avec un bâton, ou encore ressusciter des morts par imposition des mains. Ces miracles nous sont hors de portée, car réservés à des prophètes et à des moments spécifiques. Le prophète Muhammad (sawas) a pu commettre des erreurs, mais c’est par sa repentance immédiate, sa capacité à les corriger et à montrer ainsi à nous toutes et tous, que nous n’avons pas à être parfaits (« Car l’Homme fut créé faible », 4, 27), parce que nous sommes perfectibles. Faire des erreurs, c’est le propre de l’homme, savoir le reconnaître et les réparer, c’est le propre de la vertu, à commencer par la vertu muhammadienne. 

C’est en cela que le prophète Muhammad (sawas) doit être suivi est pris comme modèle. Non pas sur sa manière de se tenir les mains pendant la prière, ou savoir s’il commençait ses plats en mangeant la viande d’abord ou en finissant avec. Et encore moins à savoir s’il avait les cheveux, ou la barbe longue. Car vouloir reproduire ces choses-là, c’est vouloir singer le prophète. Ce n’est pas l’aimer, c’est l’idolâtrer. Le prophète n’était qu’un homme avec ses forces et ses faiblesses. Certes. Mais quel homme néanmoins. C’est son « caractère magnanime » (68, 4) sa « miséricorde pour les univers » (21, 107) qui devraient être pour nous des idéaux à suivre. Singer ne produit que des mécanismes vides de sens. S’inspirer du sens des actions du (et des) prophète, c’est toucher à ce qui motive l’action et nous enrichie en sagesse et en profondeur. C’est ce qui nous éveille à la vie. C’est la raison pour laquelle le prophète Muhammad, en tant que forme de synthèse de l’idée même de Révélation, ainsi en 33, 21 « vous avez en l’Envoyé de Dieu un beau parangon (modèle) pour ceux qui aspirent à Dieu, au Jour dernier et rappellent Dieu sans trêve » (33, 21). 

…Enfin, pas tout à fait

En évoquant le prophète Muhammad (sawas), les mots de Lamartine me viennent à l’esprit tellement ils sont magnifiques et sonnent tellement vrais aux oreilles des disciples de notre bien aimé prophète que nous sommes : « si la grandeur du dessin, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet ? Le plus fameux n’ont remué que des armes, des lois, des empires, ils n’ont fondé, quand ils ont fondé quelque chose, que des puissances matérielles, écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur un tiers du globe habité. Mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes. Il a fondésur un Livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toutes les langues et de toutes les races, et il a imprimé pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane la haine des faux dieux et la passion du Dieu un est immatériel (…) philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur des dogmes rationnels, d’un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà Mahomet. À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ? » (Alphonse De Lamartine, Histoire de la Turquie, Tome 1, Librairie du Constitutionnel, Paris, 1854-1855, p. 276 à 280). 

Réjouissons-nous de fêter la naissance de notre bien aimé, sans tomber dans l’excès de certains, qui à force de vouloir en faire un être à part, finissent par lui faire porter un habit non seulement qu’il n’a jamais revendiqué, mais que le Coran lui-même lui récuse. C’était un être humain faillible, mais avec une éthique et une bienveillance incroyable. En niant son humanité, c’est le sens même de son message que l’on nie, la prophète Muhammad (sawas) a dégagé les dernières scories qui obstruaient la voie qui mène à Dieu. En se liant au prophète, on se lie à Dieu, car le chemin du prophète mène à celui de l’Un. Et puisque Dieu a choisi le prophète pour cette mission, Il s’est lié (lier en arabe : sila, d’où le mot salât, qui est une forme substantivée du verbe lier) au prophète grâce aux anges. Ainsi comprend-on mieux le verset « Dieu et Ses anges se lient (youssalou) au prophète. Vous qui croyez, liez-vous à lui, et formulez sur lui un salut plénier. » (33, 56) La salutation sur le prophète est autrement nécessaire car il ne saurait être qu’une sorte de câble de transmission spirituelle. C’était un être humain, porteur de l’esprit divin qui a été insufflé sur l’humanité pour faire de nous ce que nous sommes. Tout être est une fin, et jamais un moyen. Alors, chers amis et amies, frères et sœurs en islam, en cette occasion de Mawlid al nabawi al charif, « la noble naissance du prophète », je vous souhaite à toutes et à tous une excellente célébration. 

Pour ce faire, je vous partage du du’a al fatihi, l’invocation (non pas du victorieux) mais du libérateur : 

اللَّهُمَّ صَلِّ عَلى سَيِّدِنَا مُحَمَّدٍ الفاتِحِ لِمَا أُغْلِقَ و الخاتِمِ لِمَا سَبَقَ نَاصِرِ الحَقِّ بَالحَقَّ و الهَادِي إلى .صِرَاطِكَ المُسْتَقِيمِ و عَلَى آلِهِ حَقَّ قَدْرِهِو مِقْدَارِهِ العَظِيم سبحان ربك رب العزة عما يصفون، و السلام على المرسلين و الحمد لله رب العالمين

Allāhoumma ṣalli ᶜalā Sayyīdinā Mouḥammadini ‘l-Fāṭiḥi limā oughliqa wa ‘l-khātimi limā sabaqa, nāṣiri ‘l-ḥaqqi bi ‘l-ḥaqqi wa ‘l-hādī ilā ṣirātika ‘l-moustaqīm wa ᶜalā ālihi ḥaqqa qadrihi wa miqdārihi ’l-ᶜaẓīm. subḥana rabika rabi-l ᶜizzati ᶜamma yasifûn wa-l salamou ᶜala-l mursalīn wa-l ḥamdoulillahi rabi-l ᶜalamīn

O Dieu ! « Bénissez » notre Maître Muhammad qui a ouvert [la voie de] ce qui était obstrué, et qui a scellé ce qui a précédé ; faisant triompher le vrai par le vrai, et guidant vers la voie droite, « Bénissez » sa Maison comme il convient à son immense stature et à sa splendeur. Et louange à Dieu, le Seigneur des mondes ; Ton Seigneur, possesseur de la puissance, est au-dessus de toutes les suppositions ; paix sur les messagers envoyés et que louange soit rendue au Seigneur des univers (27, 180-182) 

Les petites-ablutions (al-wudhû)

Toute cette partie sur les ablutions (wudhû) est principalement fondée sur l’ouvrage Nûr al-idhâh, L’explication judicieuse, de l’imam al-Shrunbulâlî, traité très connu et servant de base d’enseignement pour les actes du culte (ibâdât) selon l’école hanafite. 

Personne en train de faire ses ablutions (Photo : D.R.)

Les conditions (shurût) de validité des ablutions :

  1. Que l’eau passe sur toute la partie à ablutionner. 
  2. Que la période des règles, le sang matriciel, et autres ait cessé. 
  3. Enlever tout ce qui pourrait empêcher l’eau de toucher la peau. 

Les piliers des ablutions (farâ’idha al-wudhû)

  1. Laver (aghsilû) le visage de la racine des cheveux au bout du menton. 
  2. Se laver (aghsilû) les deux mains et les avants bras jusqu’aux coudes. 
  3. Passer la main humide (s’essuyer/amsihû) sur la tête, au moins le quart de la tête. 
  4. Passer la main humide (s’essuyer/amsihû) les pieds, du bous des orteils aux talons et chevilles incluses. 

Les convenances (âdâb al-wudhû) des ablutions : 

  1. Joindre le cœur à la parole en formulant l’intention (celle-ci n’est pas une obligation comme cela peut être le cas dans d’autres écoles). اللهم إني نويت الوضوء/ phonétique: Allahoma inné nawaïtou ul wudhû, Mon Dieu, je prends l’intention d’accomplir les ablutions
  2. Faire face à la qibla si possible. 
  3. Prononcer la double attestation de foi une fois l’ablution terminée et boire un peu de l’eau restante des ablutions. 
  4. S’humidifier les oreilles et la nuque avec les mains humides (donc sans se les mouiller une nouvelle fois).   
  5. Puis, réciter cette supplication : 

اللهم أجعلني من التوابين، و أجعلني من المتطهرين

(Phonétique: Allahoma aj’alnî minal tawâbîn wa aj’alnî minal mutatahirîn)

« Mon Dieu, comptes moi parmi les repentants, et comptes moi aussi parmi ceux qui se purifient. » 

Les choses déconseillées (makrûhât al-wudhû) pendant les ablutions : 

  1. Gaspiller l’eau. 
  2. Se montrer trop parcimonieux
  3. Se claquer le visage avec l’eau 
  4. Parler de choses ordinaires
  5. Se faire aider sans raison
  6. Se passer les mains humides sur la tête trois fois en reprenant de l’eau à chaque fois. 

Note: le gaspillage de l’eau est quelque chose de proscrit en islam, il l’est d’autant plus pour des raisons écologiques évidentes. C’est la raison pour laquelle, il nous semble plus sage de s’en tenir aux ablutions telles qu’elles sont décrites dans le Coran, S05, V06. Il n’est pas utile de laver les membres trois fois. Une fois suffit, tout en se limitant aux parties prescrites par le Coran, le visage, les mains jusqu’aux coudes, une partie de la tête et les pieds. Se rincer la bouche, se laver le nez et les oreilles est faisable pendant les ablutions, mais il n’est pas nécessaire de faire cela trois fois à chaque fois.

Compte-rendu sur le « rapport » commandé par l’Élysée sur « l’islamisme » et les « Frères Musulmans »

Compte-rendu détaillé et argumenté sur le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » et qui en montre la partialité et le potentiel danger qu’il porte contre le vivre-ensemble et plus largement contre les idéaux républicains. L’autrice, Aurore Nerrinck est médiatrice culturelle, formatrice et éditrice. Son travail articule l’histoire de l’art, l’archéologie, l’anthropologie et les enjeux contemporains qu’elle explore, notamment autour des questions de pouvoir, de justice sociale, de mémoire et de spiritualité critique.

J’ai lu le rapport « Frères musulmans et islamisme politique » en France, commandé par le Président de la République et publié en mai 2025 dans un contexte de crispation politique et sécuritaire. Voici mon analyse. 

– Une illégitimité académique manifeste

A bien des égards, ce rapport constitue une production idéologique, politiquement instrumentalisée, méthodologiquement faible, et structurellement à charge, qui mobilise le vocabulaire de la recherche pour soutenir une stratégie de désignation, de surveillance et de disqualification.

Sur le fond comme sur la forme, le rapport viole plusieurs principes fondamentaux de la recherche publique :

 • Absence de pluralité : aucune parole issue des milieux visés n’est interrogée ni restituée. Les dynamiques internes, les tensions doctrinales, les contradictions sont invisibilisées.

 • Références floues, méthodologie opaque : les sources ne sont pas toujours identifiables avec précision, les citations ne sont pas systématiquement contextualisées, et l’articulation méthodologique reste lacunaire. On est loin des standards exigés d’un travail universitaire sérieux.

 • Postures idéologiques non discutées : des notions controversées comme « l’islamophobie » sont décrites comme de simples outils de victimisation ou de stratégie militante, sans prise en compte de leur reconnaissance juridique (ex. rapport de la CNCDH) ou de leur traitement sociologique dans la recherche internationale.

Ce biais est renforcé par le recours à des sources provenant de think tanks sécuritaires ou de groupes d’influence politique, souvent financés par des réseaux conservateurs voire d’extrême droite, comme le Gatestone Institute, l’Austrian Documentation Centre ou Policy Exchange. Aucun croisement avec d’autres approches (notamment en sociologie, anthropologie ou science politique critique) n’est proposé, accentuant la lecture à sens unique.

Ce rapport ne produit pas de savoir, il construit une accusation. Il ne procède pas par démonstration, mais par suspicion. Il n’analyse pas, mais il oriente.

– Une commande présidentielle : confusion grave entre expertise et pouvoir

En premier lieu, ce rapport n’est pas un travail académique libre : il est commandé par le Président de la République, dans une logique stratégique de lutte contre le « séparatisme ». Cette origine confère au rapport une dimension stratégique, au service d’une politique de désignation, de contrôle et de marginalisation de certains courants religieux et militants. 

– Une production sans savoirs : un recyclage à visée stratégique

Aussi, ce qui frappe à la lecture du rapport, c’est qu’on n’y apprend rien. Aucun éclairage inédit, aucune mise en perspective rigoureuse, aucun croisement disciplinaire ne permet de renouveler la compréhension du sujet. Le rapport ne produit aucun savoir neuf : il aligne des éléments déjà largement médiatisés ou institutionnalisés, les agence selon une hypothèse de départ idéologique, et les reconfirme en boucle. 

Encore une fois, ce n’est pas une recherche, mais une opération de confirmation. Un exercice de renforcement discursif, qui valide ce que l’on veut prouver. Le document n’éclaire pas mais désigne ; il n’analyse pas mais accuse. Et c’est précisément ce qui en fait un instrument politique, et non un travail scientifique.

– Des apports mineurs, vite neutralisés par la lecture à charge

On peut reconnaître au rapport certains apports documentaires : un effort de cartographie des réseaux transnationaux, des données sur la structuration institutionnelle de certains courants islamistes, ou encore une mise en contexte historique – certes partielle – de l’implantation de ces dynamiques en Europe. À plusieurs reprises, le texte admet aussi, à demi-mot, les lacunes de l’État français en matière de dialogue avec les représentants musulmans, ou les tensions générées par un vide institutionnel prolongé. Ces éléments pourraient, dans un autre cadre, nourrir un débat pluraliste et informé. Mais ici, ils sont rapidement absorbés dans une lecture univoque. Le cadrage général – marqué par la suspicion, le soupçon de dissimulation, l’idée de subversion larvée – neutralise toute portée analytique de ces données. Les faits, même valides, sont systématiquement réinterprétés à travers un prisme idéologique orienté, sans jamais ouvrir la possibilité d’une lecture alternative. Ce qui pourrait nourrir la complexité sert ici à renforcer une logique de disqualification. C’est là que réside la limite structurelle du rapport : même ses apports ponctuellement intéressants sont instrumentalisés pour consolider une démonstration à charge.

– Passages minoritaires : reconnaissance marginale des exclusions systémiques

On ne peut non plus ignorer que le rapport contient, à la marge, quelques passages qui proposent des pistes potentiellement constructives. Il est notamment question de renforcer l’enseignement de l’islam à l’université, de valoriser l’apprentissage de l’arabe, de doter l’école publique de moyens accrus et de casser les ghettos sociaux. Le texte reconnaît même, à un moment, que les musulmans en France peuvent légitimement se sentir marginalisés, notamment en raison de certaines positions diplomatiques françaises, ou d’un climat de défiance généralisée. Il s’agit là de rares effets de reconnaissance des dynamiques systémiques d’exclusion.

Mais ces éléments, bien que présents, sont isolés, non développés, et insérés dans une démonstration largement à charge. Leur existence n’annule en rien le caractère profondément orienté du rapport. Ils apparaissent davantage comme des notes de bas de page que comme des propositions structurantes, vite absorbées par un cadrage général marqué par la suspicion, le soupçon de duplicité, et l’obsession du contrôle.

Par honnêteté intellectuelle, il convient de mentionner ces ouvertures. Mais elles ne suffisent ni à équilibrer la lecture, ni à atténuer les risques qu’un tel texte fait peser sur le débat démocratique.

– Des affirmations infondées et généralisantes : le cas du « voilement des petites filles »

Parmi les nombreux partis pris du rapport figure l’idée d’une « généralisation du voilement des petites filles dès l’âge de 5-6 ans ». Cette affirmation est gravement trompeuse, car elle repose sur aucune donnée statistique sérieuse, aucune enquête représentative, et aucune méthodologie transparente. Elle alimente un imaginaire alarmiste, fondé sur l’exception érigée en norme, et contribue à construire un discours d’alerte sans fondement empirique.

En diffusant ce type de raccourci, le rapport participe d’un discours anxiogène, où les enfants deviennent les symboles d’un supposé endoctrinement religieux, sans preuve, sans contextualisation, et sans pluralité des regards. Cela relève moins de la recherche que de la rhétorique politique, et renforce les stéréotypes les plus virulents à l’égard des familles musulmanes.

Ce genre d’affirmation, présenté comme une évidence, est symptomatique du fonctionnement du rapport dans son ensemble : il énonce, accuse, projette, mais ne démontre pas.

– Le ciblage du monde associatif : un renversement de la responsabilité

L’un des effets les plus inquiétants du rapport est son ciblage du tissu associatif, en particulier éducatif et culturel. Ces structures sont décrites comme des vecteurs d’influence idéologique, voire comme des instruments d’endoctrinement ou d’entrisme. Or ce que le rapport évacue totalement, c’est que ces associations sont nées, dans leur grande majorité, comme des réponses à des carences institutionnelles. Elles interviennent là où l’État a failli, dans des quartiers relégués, auprès de publics discriminés, souvent pour compenser l’inégalité d’accès aux droits, à l’éducation, à la culture, à l’emploi.

Leur action relève le plus souvent d’une logique de justice sociale, non d’un projet politique caché. Les pointer du doigt, sans jamais interroger les inégalités systémiques qui ont rendu leur existence nécessaire, revient à renverser la charge de la preuve, et à blâmer les mécanismes de survie plutôt que les causes du mal. Ce glissement est non seulement injuste : il est dangereux, car il contribue à affaiblir les rares relais d’émancipation disponibles dans certains territoires, au nom d’une logique sécuritaire aveugle.

Ce n’est pas l’associatif qui menace la République. C’est l’abandon républicain qui a nécessité son émergence.

– Une dérive de la laïcité : la neutralité instrumentalisée

Le rapport affirme défendre la laïcité, mais il en propose une lecture profondément dévoyée. En amalgamant religiosité, engagement politique et subversion supposée, il transforme un principe de neutralité de l’État en outil d’exclusion ciblée.  Plutôt que de rappeler sa vocation première – garantir la liberté de conscience et l’impartialité de l’État – il la mobilise comme un outil de surveillance, voire de mise à l’épreuve de certains citoyens. En amalgamant religiosité visible, engagement politique critique et menace de subversion, il transforme la laïcité en critère de loyauté et en instrument d’exclusion ciblée. 

Dans cette logique, une pratique religieuse exprimée collectivement devient suspecte en soi. La neutralité de l’État est confondue avec une exigence de neutralité imposée aux individus. Ce glissement est dangereux : il fragilise le cadre pluraliste et transforme un principe protecteur en mécanisme de disqualification, incompatible avec les fondements démocratiques qu’il est censé garantir.

– L’instrumentalisation implicite de la question palestinienne

La cause palestinienne, lorsqu’elle est évoquée, ne l’est pas pour ce qu’elle représente – une lutte anticoloniale, un engagement politique ou humanitaire – mais comme marqueur d’adhésion à un islamisme radical. Ce glissement est profondément dangereux : dans un contexte de criminalisation croissante de la solidarité pro-palestinienne, cette lecture contribue à la disqualification des mouvements antiracistes et internationalistes.

En agissant ainsi, le rapport outrepasse les principes de la laïcité : il prend position dans un débat international complexe, définit les frontières du politique autorisé, associe des causes à des risques religieux. Cela constitue, au sens strict, une atteinte à la laïcité : non pas de la part des militants, mais de la part de l’État lui-même.

– Un cadre politique assumé : vers un contrôle généralisé

Le rapport ne se contente pas de dresser un constat. Il propose un plan d’action politique : exclusion des financements publics, fichage, contrôle des formations, disqualification dans l’espace public. Il s’inspire ouvertement de politiques étrangères (Autriche, Royaume-Uni) critiquées pour leur brutalité et leur inefficacité. Cette dimension n’est pas présentée comme une hypothèse ou une voie parmi d’autres : elle est posée comme évidence.

L’objet de la recherche n’est donc pas la compréhension, mais la gestion, la normalisation et l’endiguement d’un phénomène supposé menaçant – sans preuve directe, souvent par inférence, et toujours sans contradiction.

– Un amalgame latent, mais systématique

Le cœur du rapport repose sur un amalgame, parfois subtil, souvent explicite, entre :

 • islam politique et salafisme,

 • réseaux transnationaux et pratiques religieuses locales,

 • revendications identitaires et subversion,

 • critique de la laïcité et projet anti-républicain.

L’effet produit est celui d’un continuum menaçant, où toute forme d’expression musulmane organisée – même pacifique, même intégrée aux dispositifs institutionnels – peut être perçue comme suspecte, voire dangereuse. Cela rend impossible toute lecture pluraliste ou différenciée.

– Un climat politique délétère : ce que ce rapport permet

Ce rapport arrive dans un moment marqué par :

 • la loi sur le séparatisme (août 2021),

 • la dissolution d’associations (CCIF, Barakacity, etc.),

 • l’interdiction de manifestations pro-palestiniennes,

 • la disqualification des chercheurs critiques,

 • la surveillance des pratiques religieuses visibles.

Et donc dans un moment politique et médiatique particulièrement critique, où la désignation des musulmans comme problème de sécurité intérieure est devenue un reflexe institutionnalisé, convergeant vers une normalisation du soupçon.

Dans un tel contexte, publier un document aussi orienté, sous une bannière scientifique, avec l’onction du pouvoir exécutif, n’est pas anodin : c’est activer une mécanique de légitimation pseudo-rationnelle d’un projet sécuritaire, et contribuer à la mise en silence ou en marginalité d’une partie de la population. Ce rapport ne décrit pas un phénomène : il participe d’un glissement politique en cours.

Il faut mesurer la portée de ce texte non seulement à l’aune de ce qu’il dit, mais à l’aune de ce qu’il autorise. Et ce qu’il autorise – par le vocabulaire, par les amalgames, par la posture – c’est une logique de désignation, de surveillance, et de restriction des libertés, sous couvert d’analyse savante.

– En résumé

Ce rapport n’est ni un outil de compréhension, ni un travail scientifique. Il constitue une production politique, au service d’une logique sécuritaire. Il masque son orientation idéologique sous l’apparence de la neutralité académique, tout en étant utilisé pour justifier des politiques d’exception. C’est un instrument de désignation et de disqualification.

Cela engage la responsabilité de l’État, mais aussi celle du champ intellectuel, face à une dérive autoritaire de plus en plus visible.

Le livre des cinq fondements (traduction française)

En voici une traduction attendue. Le Kitâb al-usûl al-khamsah du qâdi Abdel Jabbâr est un cours traité, une sorte de précis théologique qui présente les cinq fondements de l’école, ou plutôt du mouvement mu’tazilite. L’auteur, mort en 1025, est l’un des auteurs les plus connus et des plus fameux, notamment sur la question du fiqh et des usûl al-fiqh, soit le droit islamique et le fondement du droit islamique (que je préfère appeler théologie pratique et fondement de la théologie pratique).

Depuis le XIe siècle, la persécution des mu’tazilites et la destruction de leurs ouvrages et héritage ; la connaissance de leur doctrine et des différentes nuances qui compose leur mouvement s’est surtout faite au travers d’une littérature que l’on peut considérer comme hostile au mu’tazilisme. Ce qui avait pour conséquence d’en donner un aperçu biaisé. Ce n’est qu’à partir du XIXe et du XXe siècle que des ouvrages ont été découverts, pour une part dans la guénizah du Caire autour des années 1890, et dans la grande mosquée de Sanaa au Yémen autour des années cinquante. Parmi les manuscrits découverts, des écrits du qadi Abdel Jabbâr, connus par ailleurs, mais que l’on croyait perdus. Notamment sa somme théologique, Kitâb al mughni fi abwâb al adl wal Tawhîd, Le traité complet sur les questions relatives à l’Unicité et à la justice, avec seize volumes découverts sur les vingt que compte l’œuvre ; et un petit traité, Le traité des cinq principes, aussi traduit par Le livre des cinq fondements.

C’est cet ouvrage que nous présente aujourd’hui l’ami et frère Yassine Zitouni, qui a fait un énorme travail de traduction, travail que nous comptions faire mais, mais impossible par manque de temps. Heureusement, le frère Yassine était là. Tâche dont il s’est admirablement occupé. Traduire n’est pas chose aisée, et cela prend un temps considérable.

Ce livre, présente sous forme d’échange un compendium (synthèse) des cinq principes autour des quels se retrouvent les mu’tazilites anciens et nouveaux. L’Unicité de Dieu, la justice divine, la promesse [du paradis] et la menace [de l’enfer], éternelles dans les deux cas. La demeure intermédiaire du musulman fautif et l’ordre moral. Le tout sous forme de questions réponses : « si on te demande… », « dis :…. ». L’ouvrage est très instructif et montre bien les grands principes de l’École, quand bien même, sur un certain nombre de points, l’auteur semble faire des concessions au sunnisme (interrogation dans la tombe juste après la mort, messianisme eschatologique). Le qadi écrit à une époque où le mutazilisme, bien que toujours vivant et brillant, était en danger. Donc, les mu’tazila de l’époque, le qadi Abdel Jabbâr (m. 1025) en tête, mais aussi le commentateur Zamakhshari (m. 1144) sont ce que j’appelle des Tardifs, et eux vont vouloir se concilier ou se rapprocher quelque peu du sunnisme. Là où les pionniers (Nazzâm, al Assam, al-Isfahâni etc) n’hésiteront pas à s’inscrire en faux avec cette attitude.

Lisez ce livre, c’est une ressource nécessaire et instructive sur le mu’tazilisme.

Aïd 2025 mubarak



Nous souhaitons à toutes et à tous un excellent Aïd al fitr 2025 !!!

Ramadan mubarak à toutes et à tous

« Que chaque année vous vous portiez tous bien »
Que votre ramadan soit plein de compassion

Nous souhaitons à toutes et tous les musulmans de France et d’ailleurs un excellent mois de ramadan 1446 !!

Billet #4: sourate 75, verset 16

لَا تُحَرِّكْ بِهِ لِسَانَكَ لِتَعْجَلَ بِهِ

« N’agite pas ta langue pour le hâter » 

Sourate 75 (al-Qyyâma), verset 16

Voici le verset que me propose à la lecture mon application qui me donne les horaires de la salât ainsi que la boussole, et le nécessaire de survie cultuel à la vie quotidienne.

Comme je l’avais écrit en présentant cette rubrique, le deal, si j’ose dire, était d’écrire un billet à partir du « verset du jour », à savoir, une sélection faite par l’IA de l’application, et qui me propose chaque jour un verset à méditer. Exercice que je ne prends pas toujours le temps de faire mais qui est, en réalité, essentiel.

Double interprétation au moins…

Ainsi, le fameux verset en question d’aujourd’hui est celui-ci : « n’agite pas ta langue pour le hâter », tiré de la sourate al-Qiyyâma, la Résurrection. En lisant ce verset court, j’avoue avoir été interpelé. Je l’ai été parce que je me disais qu’il fallait absolument que j’écrive quelque chose pour faire vivre le site, mais je séchais un petit peu. Puis, j’ai ouvert l’application et regardé quel était le verset du jour. Et je tombe sur un propos qui appelle à contenir son envie d’exprimer une chose qui nous paraît importante. Attention, le verset en question évoque de façon allusive deux interprétations (au moins) possibles. Dieu s’adressant au prophète et lui rappelant qu’il n’avait pas à vouloir hâter la révélation de la parole divine (au sens figuré). Ou, il est possible, au vu du contexte du passage, de comprendre qu’il s’agit de parler du livre des œuvres de la personne qui passera devant Dieu après la résurrection. Le verset suivant permettant cette double interprétation puisqu’il y dit : « à Nous de l’assembler en d’en fixer la lecture. »

…Mais là n’est pas la question

Quoiqu’il en soit, un billet n’a pas vocation à être une exégèse aboutie, mais à communiquer un ressenti, une impression. Et l’impression que j’aie ressenti est que je n’avais pas à vouloir forcer les choses, me forcer à écrire et à vouloir communiquer même si ce que j’avais à dire me paraissait important. Ce verset m’a comme détendu et permis de prendre la plume (ou le clavier) de façon sereine et l’esprit léger. C’est là où l’on voit comment des passages coraniques que d’aucuns n’estiment compréhensibles qu’en prenant en considération nombre de facteurs complexes, peuvent tout à fait parler directement à notre conscience, en fonction de ce que nous faisons. De nos petits problèmes quotidiens, et de nos petits intérêts. C’est la partie la plus vivante, et sans doute la plus vécue par ceux et celles qui fréquentent le texte au jour le jour. C’est la partie qui emporte nos émotions et qui est, tristement et nécessairement, la plus laissée pour compte par tous les coranologues. Même si certains d’entre eux insèrent une phrase dans ce sens. Mais que vaut une phrase dans une œuvres complète faite de livres, d’articles, de conférences etc.

C’est là où l’aspect créé, c’est-à-dire, vivant du texte apparaît le mieux. Que Dieu nous en facilite la lecture et la méditation. Amine !

Le mutazilisme, une quête de Justice

Dans la pensée mutazilite, la justice divine est un principe fondamental : Dieu est vu comme étant intrinsèquement juste, et aucune de ses actions ne peut être injuste. Nous, mutazilites, nous insistons sur le fait que l’homme a un libre arbitre, ce qui signifie que chaque individu est responsable de ses actions et de ses choix. Nous voyons la justice comme la qualité divine par excellence et la principale caractéristique du gouverneur idéal et du juge.

Billet coranique #3 : sourate 62, verset 9

يٰا أَيُّهَا اَلَّذِينَ آمَنُوا إِذٰا نُودِيَ لِلصَّلاٰةِ مِنْ يَوْمِ اَلْجُمُعَةِ فَاسْعَوْا إِلىٰ ذِكْرِ اَللّٰهِ وَ ذَرُوا اَلْبَيْعَ ذٰلِكُمْ خَيْرٌ لَكُمْ إِنْ كُنْتُمْ تَعْلَمُونَ 9

Vous qui croyez, quand on vous appelle à la prière à un moment d’un vendredi, empressez-vous au Rappel de Dieu. Laissez-là toute transaction : meilleur ce sera pour vous, si vous saviez…

Le déterminisme chantre du libéralisme économique

Ce verset peut être lu et apprécier dans la droite ligne de l’article portant sur la traduction de l’article portant sur la comparaison faite par des mutazilites arabophones entre les approches mutazilite et acharite quant à la question de la fixation des prix des objets. Partisans du libre-arbitre, les mutazilites appellent à l’intervention de l’État en cas de flambée des prix. Car nous sommes responsables et libres d’agir sur les choses. Là où les acharites, partisans du déterminisme divin, acceptent que certains ne puissent pas suivre. Pour eux, c’est la volonté divine.

L’importance de l’esprit

Évidemment, en bons mutazilites que nous sommes, nous refusons cette conception. Et nous la refusons car elle n’est pas acceptable d’un point de vue rationnel (nous pouvons agir), éthique (nous devons refuser l’iniquité) et scripturaire (l’enseignement coranique). Ce billet va me permettre d’illustrer le refus coranique de subir la réalité économique grâce à ce verset que je rappelle : « Vous qui croyez, quand on vous appelle à la prière (salât) à un moment du vendredi, empressez-vous au Rappel de Dieu. Laissez-là toute transaction : meilleur ce sera pour vous, si vous saviez »

La partie italique en gras est essentielle. Dans un billet, il ne s’agit pas d’aller trop loin dans une approche exégétique, mais disons, de montrer une orientation, une direction que prend le texte. Ici, cette direction, c’est le fait de marquer la supériorité de l’esprit sur la matière.

Salât et transactions

Les vendredis, à un moment de la journée, lorsqu’on est appelé à la salât, nous sommes appelés à entrer en « lien », en « rapport » avec Dieu. Le mot salât, vient de si-la, qui veut dire « lien. » Ainsi, au moment où le « lien » avec Dieu doit être accompli, on cesse les transactions, on cesse tout commerce (au sens étymologique) avec l’argent pour mettre en avant l’importance de l’éveil spirituel. Car l’éveil spirituel est meilleur pour tous, mais en prenons-nous vraiment conscience ?

C’est la raison pour laquelle il faut insister pour que la salât al-jumu’a, prière du vendredi, doit être accomplie au moment du zénith, au cœur de la journée, au cœur du moment des échanges pour montrer que l’esprit doit s’imposer sur la matière. Il y a presqu’une sorte de contre-sens à vouloir accomplir cette prière collective en fin de journée au moment où la journée de travail est finie. Et Dieu sait le mieux.

Comparaison sur la question de la fixation des prix entre mutazilite et acharite

Texte cité, traduit de l’arabe, et extrait d’un groupe de discussion mutazilite arabophone sur les réseaux sociaux, le compte de l’auteur est au nom du Qadi Abdeljabbar al-Hamadhani, mais lui-même cite cette comparaison sans en être à l’initiative.

Image tirée d’un compte Fcb au nom du cadi Abdeljabbar al hamadhani (photo: D.R)

Les extraits :

« La rareté d’une chose provoque une demande forte. Ce qui produit un grand nombre de demandeurs par rapport aux stocks disponibles. Ceci fait augmenter le prix de la chose en question. Cette augmentation est du fait de personne inique. Cette augmentation des prix est telle qu’elle entraine une corruption qui touche essentiellement les plus pauvres. Il incombe alors au pouvoir public d’intervenir pour faire baisser le prix des objets afin de permettre aux plus pauvres de mieux vivre leurs vies ». al-Mughni, Qadi Abdeljabbar, théologien et juriste (mutazilite & shafiite m. 1025).

« L’augmentation ou la baisse des prix dépend de l’offre et de la demande. La fixation de l’ensemble des prix revient à Dieu, exalté soit-Il, parce que c’est Lui qui créé la demande, et c’est aussi Lui aussi qui octroie l’offre et permet jusqu’au monopole ». al-Tamhîd, al-Bâqilâni, théologien et juriste (acharite & malikite m. 1013).

Analyse

Ainsi, à partir du moment où pour le mutazilite, l’être humain est libre et est créateur de ses actes, c’est lui qui fixe les prix des choses. Cela ne veut pas dire que la règle de l’offre et de la demande ne tient pas, cela veut dire que c’est aux hommes, et surtout aux détenteurs de l’autorité publique d’intervenir pour que les plus faibles ne soient pas exclus de la possibilité, eux aussi, de se procurer ce dont ils pourraient avoir besoin.

Alors que pour l’acharite, qui rejette la liberté humaine, et fait de Dieu Le seul créateur de toute chose, y compris de la fixation des prix ; Ces prix sont absolus, ils doivent juste être acceptés tels quels. L’autorité publique n’a pas son mot à dire et ne peux rien réguler du tout. C’est comme ça.

Donc si quelque chose coûte beaucoup trop chère, mettons des médicaments par exemple, non-remboursés par la sécu. Un acharite vous dira que c’est Dieu qui la voulu. Alors qu’un mutazilite vous dira que c’est au pouvoir public d’intervenir pour faire en sorte qu’un médicament non pris en charge par la sécu le soit. Ou que l’État (puisque c’est de cela qu’il s’agit) fasse baisser le prix, autrement dit qu’il régule.

Conclusion

Dans cette petite comparaison, il apparait clairement que les conséquences pratiques des principes théologiques essentiels mènent à une différence essentielle. Alors que le mutazilisme, partisan du libre arbitre, invite les pouvoirs publics à intervenir pour réguler les prix. L’acharisme, partisan du déterminisme divin et du fait que Dieu seul est Créateur de toute chose, y compris des actions humaines, ne tente aucune régulation et considère que les prix relèvent de la volonté divine. Au risque de quelque anachronisme, on peut dire que l’approche mutazilite est économiquement interventionniste. Alors que celle des acharites est économiquement libérale. Il ne serait pas excessif de rapprocher le point de vue acharite avec celui du philosophe écossais Adam Smith (m. 1790) pour qui le marché se régule tout seul grâce à « la main invisible » du capitalisme. L’État n’a pas a intervenir, le marché se régulant tout seul sagement comme sous la conduite d’une main invisible et sage. Un acharite ne saurait qu’approuver cette vision, d’autant plus que pour lui, cette main, c’est en réalité celle de Dieu. Or la réalité économique contemporaine et l’ultra-libéralisme nous ont montré l’inanité d’une telle conception.

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